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  • Photo du rédacteurPhilippe Chevalier

Ne pas croire ce que l'on voit.





J’étais en enquête, en surveillance et observation , camouflé en itinérant dans les rues de Montréal, assis entre 2 poubelles, les vêtements imbibés de bière séchée au soleil, pieds nus. Donc plus que camouflé, en quasi incarnation de mon rôle. Je devais observer discrètement et même secrètement, une rencontre entre un employé déloyal et un concurrent de mon client.


Ma cible, le suspect, m’avait rencontré la veille lorsque j’étais tout propre, tout beau dans mon costume corporatif. C’était une rencontre prétexte pour le tamponner (tester ses réactions) et j’avais alors une autre identité fictive.


Mais maintenant, 24 heures après, j’incarne un itinérant assis contre le mur dans le stationnement en face de sa tour à bureau. Il passe à 1 mètre de moi , évidement sans me reconnaitre, il s’écarte instinctivement en passant devant moi sans même remarquer que je suis un humain.


À ses yeux je fais partie du décor urbain, un meuble brisé entre deux poubelles, un rebus intouchable qui doit puer ( et c’était le cas). Il croit ce qu’il voit.


Son cerveau a surement capturé ma silhouette : cicatrices sur le visage (fictives mais bien faites), pieds nus et sales (authentiques), début de déformation des orteils gonflés et presque gangrénés (fictif mais bien fait), cheveux sales, ongles longs (fictifs) et sales (vrai) regard gris, soubresauts pneumoniques, vêtements élimés un peu déchirés, ni trop ni trop peu, etc…et surtout assis sur de la pisse séchée (pas la mienne) . Son cerveau ne croit que ce qu’il voit.


Son cerveau calcule que je suis effectivement un itinérant (1) sans âge et malade, dans une ville où les itinérants, en temps de covid, sont plus fréquents dans la rue que les hommes d’affaires et les touristes. Il croit vraiment ce qu’il voit !

Ma présence ne le choque pas, ne l’intrigue pas, ne l’inquiète pas. Elle est conforme aux schémas qu'il a en tête sur les clochards (et donc aux caricatures qui confortent sa manière de penser) .


Ma cible procède à l’échange et à la transaction qui eurent lieu en face de moi de l’autre côté de la rue. Il ne s’agit pas de drogue (nous ne sommes pas policiers), il s’agit de concurrence déloyale et de déloyauté d’un employé clé, donc un échange de documents.


Ce gars, le suspect, commettait une déloyauté en totale imprudence et sous les yeux du détective privé que je suis.


Ce gars se savait probablement sous enquête, sous suspicion, et pourtant son cerveau avait calculé que ….le clochard de l'autre côté de la rue ne pouvait pas être une menace puisqu’il cochait toutes les cases des apparences d’un vrai itinérant.


L’enquête fut un succès et l’employé déloyal poursuivi et condamné. Probablement aujourd’hui encore il se demande quelle imprudence il a pu commettre. Il n’ a certainement aucun souvenir précis de l’itinérant qui le scrutait puisqu’il n’avait pas vu un être humain, ni une présence inquiétante susceptible de l’observer. Il avait juste vu un objet urbain abandonné, fondu dans le décor habituel de toute grande métropole en occident.


Cette histoire m’a appris beaucoup :

Que ce soit dans la vraie vie, ou avec une #intelligenceartificielle, une fake news, ou une image montée par #prompt habile sur une #IA , l’être humain a tendance à croire fermement ce qu’il voit …


Heureusement et paradoxalement les débats autour de l’IA et de son potentiel de désinformation peuvent nous inciter à ne plus croire seulement ce que nous voyons mais davantage croire à ce que nous analysons et comprenons.

C’est donc une chance d’amélioration considérable. Aucune raison de paniquer face à l'IA puisque les inquiétudes qu'elles génèrent peuvent devenir aussi des sources d'amélioration.


Et tant mieux si l’IA nous incite à réfléchir davantage et à nous baser sur le raisonnement plutôt que sur les apparences d’une image ou même d’une réalité très crédible. Nous utilisons nous même dans notre agence un outil IA dans les enquêtes de réputation. L’outil est productif et puissant et pourtant nous n’avons jamais travaillé autant à revalider humainement des faits, tout en étant plus productifs que jamais.

Dans mon récit, ma cible croyait ce qu’il voyait, il croyait qu’un détective privé ne pouvait pas être un itinérant d’apparence dégueulasse assis pieds nus dans la rue, équipé d’une caméra discrète etc…


Mais si il avait raisonné au lieu de croire ce qu'il voyait, il aurait compris que la présence d’un itinérant sorti de nulle part en face de lui au moment d’une rencontre de trahison n’était peut être pas fortuite.


On attribue à Saint Thomas le fait de ne croire que ce que l’on voit. Il symbolise l’incrédulité face aux paroles et pourtant…. ce que l’on voit est parfois moins vrai que ce que l’on devrait comprendre.

Je commence à décortiquer la formation #storytelling de Oussama Ammar que j’ai achetée récemment .


J’ai bientôt 40 ans d’expériences professionnelles variées (ce qui ne veut pas dire grand-chose car expérience et compétence ne sont pas synonymes ). J’exerce une profession hors norme (détective privé pour les entreprises ) qui demande habituellement discrétion, grisaille, contrôle total des émotions et ancrage solide dans les seuls faits.

Même si personne ne m’a rien demandé, et même pas Oussama, j’ai deux choses à dire:

1- Sa formation est solide, structurée, très travaillée, la valeur est là.

2- Mais surtout chaque ligne de la formation m’allume sur un élément de ma vie ou une histoire professionnelle qui demeurait enfouie et dont je redécouvre l’impact à l’instant. Il y a même eu un cas où j'ai rencontré la version alter-égo négative d’Oussama, c’est très étrange et presque de la science-fiction. Mais ça c’est une autre histoire qui pour le moment demeure enfouie, peut-être je lui raconterai un jour.

Le #storytelling, permet de simplifier des concepts complexes en les présentant sous la forme d'une histoire facile à comprendre, il permet aussi d’éclairer des situations vécues qui n’attendaient qu’à trouver un nouveau sens et son utilité.

Les histoires ont plusieurs vies.


(1) Je ne caricature pas les itinérants, j’ai seulement utilisé l’image que les gens en ont. Leur destinée est souvent surprenante. Il y a un grand nombre de professionnels qui ont sombré et aussi bcp de laissés pour compte qui méritent un respect instinctif au lieu de l'indifférence. La photo est authentique, juillet 2020, c'était exactement là. La photo fut prise par un enquêteur de mon agence.

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